joi, 7 februarie 2008

SYNTHESE


*** Introduction
Les premières rencontres de Banlieues d’Europ’est - Les centres de la périphérie - ont présenté plusieurs expériences nées à la périphérie géographique des villes, tout en dégageant une série des problèmes qui restent à être approfondies : financements, pérennisation des actions, partenariats.
L’importance de ces problématiques dans le contexte socio-économique actuel, nous a obligés à poursuivre la réflexion en termes plus concrets et de proposer des binômes comme : l’artiste et la ville (le rôle des artistes dans la vie de la cité mais aussi le rôle des élus, des autorités locales dans la mise en place des projets artistiques,) l’artiste et la population (comment l’artiste s’installe sur un territoire, comment il intervient et comment la population réagit face à ce mouvement).

Les objectifs du projet étaient de ré/interroger la place des projets artistiques et culturels dans la vie d’une ville et de ses communautés/zones marginalisées et d’établir un partenariat politique - artiste-ville/élus - sur une pratique artistique.
Banlieues d’Europe défend l’idée que la culture à un rôle à jouer au plus prés des populations démunies, dans les quartiers ou dans tout autre zone d’exclusion géographique, sociale et, par suite, artistique. Dans ce sens-là, nous parlons de la nécessité d’impliquer les réseaux d’artistes pour la mise en place de tels projets dans des quartiers, zones périphériques de la ville, avec la participation de différentes catégories de populations. Dans le contexte actuel il nous semble important de dépasser les frontières, géographiques et mentales, grâce au travail sur l’imaginaire que proposent des projets artistiques.

Mots clés du projet : quartiers, ville, populations, arts, culture, interventions, Europe, échanges, formation, réseau

Une vingtaine d’intervenants en provenance de Roumanie, Bulgarie, France ont présenté leurs expériences et ont débattu sur des sujets divers : la ville et les pratiques artistiques/culturelles innovantes et participatives, l’artiste et les communautés urbaines, « l’engagement » de l’artiste – les interventions dans l’espace socio urbain.
L’idée de cette première rencontre était de donner la parole aux acteurs qui développent des projets artistiques dans des contextes spécifiques (quartiers, communautés, espace public, prisons, lieux alternatifs…) pour faire connaître les difficultés qu’ils rencontrent mais encore l’enjeu de ce type de projets. Notre préoccupation était de rendre visibles les expériences repérées, de les confronter, de les partager afin de pouvoir créer un espace d’échange, d’émulation pour que cet enthousiasme, cette volonté d’agir puisse se concrétiser à travers des projets communs.

Participants :
Manuèle Debrinay-Rizos (attachée culturelle, Déléguée générale de l'Alliance française de Paris en Bulgarie), Sarah Levin (directrice de Banlieues d’Europe, France), Silvia Cazacu (Banlieues d’Europ’est, Roumanie), Irina Cios (directrice du CIAC - Centre International pour l’art contemporain, Roumanie), Frédérique Ehrmann (artiste, France), Petko Dourmana (directeur de InterSpace, Bulgarie),
Philippe Mouillon (plasticien, directeur artistique de Laboratoire à Grenoble et de Local.contemporain, France), Christian Benedetti (metteur en scène et directeur du Théâtre Studio d’Alfortville, France), Krassimira Krastanova (Université de Plovdiv, Bulgarie), Maria Draghici, Irina Gadiuta (artistes du groupe « L’offensive de la générosité», Roumanie), Doru Catanescu (comédien, GAT005- Groupe d’Action Théâtrale, Roumanie), Pascal Brunet (directeur Relais Culture Europe - Centre ressources sur l’Europe et la Culture, France), Pascale Bonniel Chalier (consultante en projets culturels internationaux, France), Dessislava Gavrilova (directrice, Red House - Centre for Culture and Debate, Sofia, Bulgarie), Emile Varbanov (expert en chef du Fond Culturel Nationl, Bulgarie), Claudine Justrafré (attachée de coopération, Institut français de Sofia).

*** Le contexte européen
a) Quelques constats généraux
- physiquement les frontières, en Europe, sont en train de se reconstruire
- à l’intérieur de l’Europe, la diversité culturelle est plutôt en train de recréer de tensions intra-européennes
- la revendication des peuples sur leurs langues (une question qui est entre culture, institution, démocratie, économie) et la question de circulation des œuvres, de l’utilisation des œuvres pour renforcer la présence de la langue
- les aspects territoriaux et la politique de cohésion, l’importance des territoires et particulièrement des territoires urbains, leurs mutations récentes
- les problèmes de populations, de communautés, issues de l’immigration, la difficulté de faire émerger une communication sur ce sujet
- le développement de phénomènes de mondialisation économique ou culturelle
- l’impact de l’économie sur le secteur culturel et l’inverse
- la difficulté des petits acteurs culturels à gérer de grandes sommes dans le domaine culturel
b) Leurs implication sur l’agenda européenne
On voit se multiplier actuellement, au niveau communautaire, un bon nombre de communications sur :
- la mondialisation (la Commission Européenne commence à penser non pas une politique mais un axe d’action à l’égard de la mondialisation)
- le plurilinguisme (une communication qui va sortir dans six mois)
- la préservation de la diversité culturelle
- l’importance du fait urbain dans la politique de cohésion
Un autre niveau est la place de la culture dans les relations extérieures de l’Union Européenne. Des éléments importants :
- l’apparition d’une volonté de l’UE d’entamer un dialogue politique nouveau avec les autres ensembles régionaux
- la prise en compte du volet culturel dans les préoccupations politiques (un forum à Moscou initiera un socle de réflexion sur les coopérations culturelles entre la Russie et l’Europe)
Le troisième constat c’est que la culture ne fera jamais l’objet d’une politique particulière, il n’y a pas une politique culturelle de l’UE. Il y a une volonté de placer la culture dans le mainstreaming des politiques existantes au niveau européen.
Dans les discussions en train de se dérouler sur la programmation après 2014, les premiers ateliers s’ouvrent avec la question culturelle. C’est un aspect nouveau et ce nouveau changement se traduit dans les agendas de Lisbonne et de Göteborg.
Le premier agenda est celui qui a fait émerger l’idée de la société de connaissance. Les entrées que les acteurs culturels doivent remplir concernent notre rôle dans la production de la connaissance et dans le partage de la connaissance. Le deuxième ingrédient de la stratégie de Lisbonne c’est la question de l’innovation. Qu’est-ce qui provoque l’innovation dans une société ou dans un territoire ? Troisième ingrédient : l’innovation il faut être dans l’innovation économique, sociale. Les acteurs culturels se situent dans une capacité à répondre à ces deux secteurs.
L’agenda de Göteborg pose la question du développement durable, avec une difficulté de bien voir quelle est l’articulation de la culture là-dedans. Deuxième ingrédient, il faut qu’on sache l’intégrer, c’est l’innovation sociale, tout développement ne saura maîtrisable et assurable qu’au prés du développement d’une société de plus en plus équitable. Le texte de Göteborg dit que sans équité sociale ce développement ne peut pas réunir les conditions de la durabilité. Et le troisième dispositif c’est la question de notre prise en compte des questions environnementales par le secteur culturel.
Ces deux grands agendas posent comme postulat que le territoire est le lieu d’articulation de trois problématiques: le développement économique, le développement culturel et le laboratoire environnemental.
c) Perspectives pour la culture
- Question fondamentale: Quelles sont les pistes d’innovation pour le secteur culturel ?
Des pistes assez peu réfléchies :
- la démarche de projeter sur le secteur culturel des choses qui sont réalisées dans le secteur économique : la question des incubateurs, des pépinières, tout un ensemble des mécanismes que le monde économique ou le monde du développement avait imaginer pour répondre aux besoins d’émergence ou de soutien d’activités fragiles qu’ à un moment donné il faut renforcer
- commencer à réfléchir aux systèmes productifs locaux qui sont des systèmes dans le monde de l’urbanisme.
Comment on re-construit sur des territoires plus larges ou des territoires qui saches coopérer ce système de production et d’imaginer de façon nouvelle les complémentarités. C’est une mutation importante : l’idée de se penser comme un acteur-ingénieur de l’ensemble des problématiques et de les projeter dans des dispositifs stratégiques avec une perspective.
Et l’autre plan d’innovation que proposent les programmes européens c’est tout le secteur de l’innovation sociale, avec la question de micro financement, comment le micro financement répondrait au développement des petits acteurs. Il faut réfléchir à des mécanismes qui étaient très largement explorés, comme le microcrédit, le système de garantie, des mécanismes qui soutient l’émergence des acteurs fragile économiquement et qui, en même temps, garantissent l’autonomie de ces acteurs.
L’autre voie c’est les systèmes d’échange locaux, les S.E.L.-s.
C’est aussi des secteurs observés dans l’économie sociale. Comment on imagine, à cote de l’activité marchande, quelque chose qui est en dehors d’une économie non-marchand. Comment on repense le système d’échange ? La troisième voie de l’innovation sociale importante pour le secteur culturel est la question de la mutualisation. Comment on ré-mutualise un certains nombre de connaissances, de fonctions, de mécanismes, et comment on les assoit sur des structures de coopération.
La conclusion qui s’impose est de penser l’ensemble des dispositifs européens comme des laboratoires pour le secteur culturel.
a) Le territoire urbain

L’espace urbain a deux grandes caractéristiques :
- « c’est tout sauf une page blanche » (Philippe Mouillon), c’est un espace ou une quantité extraordinaire d’histoire accumulée est superposée
- c’est un espace en mouvement
En conséquence, l’intervention dans l’espace urbain demande:
- un travail spécifique : « on intervienne dans quelques chose qui n’est pas l’équivalent d’un atelier ou d’un musée… on intervienne dans quelque chose qui n’est ni blanc, ni vide » (Phillippe Mouillon)
- le travail en prospective : nous vivons dans des sociétés de mutation extrêmement rapides et il est donc important de réfléchir et d’anticiper ces possibles mutations
- un travail théorique en parallèle au travail artistique
Des mutations et des problématiques de la ville contemporaine :
- des systèmes identitaires plus complexes où le mondial est extrêmement présent dans la construction identitaire des individus
- la mutation de temps : la domination du temps présent, de l’instantané, de l’instantanéité et une mise en crise de la mémoire, très peu de projections dans l’avenir, très peu de retour sur le passe accumulé
- l’existence d’une fracture spatiale entre les quartiers d’une ville, ce qui génère des tensions fortes, des problèmes sociaux réels. Objectifs : tenter de reconstruire l’équilibre entre les différents territoires urbaines et intervenir contre une forme de discrimination territoriale pour pouvoir aider certains quartiers a se redresser (ex. la politique de la ville, mise en place il y a une vingtaine d’années en France)

b) Le projet artistique
Comment travailler sur ces mutations urbaines contemporaines. Comment intervenir, réfléchir, rendre visibles ces mutations ? Exemples : Le Laboratoire, le Local.contemporain, Grenoble, France et InterSpace, Sofia, Bulgarie.
Questions ouvertes et difficultés :
- des contextes urbains difficiles (ex. Sofia, Bucarest) pour la mise en place des projets artistiques : la publicité qui submerge la ville, l’autorisation publique, la ville de type libérale (ville de la fragmentation, de la dis/rupture, la ville du profit capitalistique a l’investissement, sans un plan d’urbanisme), etc.
- la difficulté de dialoguer avec les populations urbaines, de les impliquer dans des projets artistiques
- les concepts - espace urbain et espace publique - leur compréhension différente en fonction du contexte social, historique, etc.
- quels sont les leviers de l’innovation ? qu’est-ce qui fait qu’un territoire est innovant ?
- l’impossibilité de quantifier l’intérêt d’un travail artistique en milieu urbain

c) Les habitants, la participation
On constate actuellement un phénomène assez fréquent en Europe : l’éloignement d’un certain nombre d’habitants, des citoyens, des centres de responsabilité de pouvoir. Les politiques publiques et particulièrement au niveau local sont aujourd’hui des politiques d’experts. Les habitants sont totalement écartés de grandes prises de décision concernant la politique urbanistique de fabrication de la ville et la politique d’action artistique, culturelle, patrimoniale, par exemple. Objectifs : trouver des moyens, de moments où les habitants peuvent se réapproprier leurs villes, affirmer leurs identités complexes, identités qui sont souvent niées et qu’ils ont besoin d’exprimer.
Un deuxième constat c’est l’existence de villes-monde, avec une société locale multiculturelle qui n’est pas perçue de la même manière par tous les citoyens. Un certain nombre de classes sociales se sentent mis en danger par la présence de l’étranger, ce qui génère des tensions, des conflits.
La participation est un terme qui recouvre en réalité des niveaux d’engagement différent, qui peut prendre des formes complètement différentes. Dans ce contexte, la question essentielle est comment construire de la mobilisation ? (exemple : la ville de Lyon, avec ses réussites et ses échecs)
Le résultat est l’apparition d’un processus complexe : l’accompagnement des populations dans la mise en forme de leurs propres représentations : un travail qui demande des moyens et aussi de la responsabilité de la part des artistes et des structures impliquées.

d) L’articulation entre un projet artistique, un territoire et ses habitants
Plusieurs approches artistiques du territoire : travailler sur, pour ou avec le territoire
Plusieurs types d’espaces : espace public, espace privé, espace urbain public, espace urbain privé.
Questions fondamentales :
- de quelle manière les interventions artistiques modifient-elles l’espace socio urbain (ou le regard sur l’espace socio urbain) et la vie de ses habitants ? Et inversement, de quelle manière la confrontation avec le territoire modifie-t elle les pratiques artistiques ?
- quelle ingénierie de projet peut-on mettre en place pour que ca puisse répondre à des préoccupations collectives, presque à une commande publique, et en même temps créer les conditions favorables à cette réalisation pour les artistes impliqués ?
- comment travailler sur la ressource du territoire ?
- comment activer la création artistique dans un contexte moins ou non institutionnalisé et plus proche du contexte de la vie réelle ?
- comment mettre en place des comités de pilotage ouverts avec des dynamiques transversales pour croiser plusieurs approches (territoriale, sociale, artistiques, insertion sociale) ?
- la nécessité de travailler sur le temps, d’avoir une approche éco-culturelle, être à la fois dans un rapport à l’espace et dans un rapport au temps respectueux des processus qu’on veut créer ?
- comment « mesurer » l’impact des projets artistiques sur le développement local des communautés ?
Quelques constats généraux :
Des phénomènes qui rendent difficile la démarche de développer des pratiques artistiques innovantes et participatives dans des pays comme la Roumanie et la Bulgarie :
- la bureaucratie,
- les mécanismes de financement assez lourds
- le manque d’infrastructures du secteur culturel dans les quartiers,
- l’inexistence des formations pour des artistes et de operateurs culturels qui veulent initier de projets dans ce domaine
- le manque de volonté politique et des stratégies dans cette direction
Le système public et les mécanismes de financement ne sont pas très honnêtes, ca relève de cette époque de transition que ces pays traversent.
Recommandations:
- prendre le temps d’élaborer des projets qui ne soient pas seulement de projets événementiels, ponctuels, de court terme
- contrecarrer le rythme européen qui présuppose une accumulation de volonté politique, un peu chaotique, qui part dans tous les sens. Dans ce sens, les Bulgares, comme les Roumains, ont du mal à voir dans quelle mesure ils peuvent s’insérer dans les dispositifs actuels qui sont si nombreux
- penser l’ensemble des dispositifs européens comme des laboratoires pour le secteur culturel

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